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PATRIMOINE GLACIOLOGIQUE

 

 

Libération du 11 octobre 2001 : Trois mètres : le Mont-Blanc a grandi

Note de l'éditeur : il se trouve que c'est le deuxième article du quotidien Libération que Robert Vivian commente. Concernant le sujet de cette croissance sénile du Mont-Blanc, tous les médias, à l'envi, ont repris l'information. Il s'agit donc bien ici de remettre en question une information plutôt que de mettre en cause un journal que, au demeurant, Robert Vivian apprécie car il fait partie de ceux qu'il lit.

 

L'article


  La montagne la plus haute d’Europe est finalement encore plus haute. C’est l’information rendue publique hier par Pierre Bibollet président de la chambre des Géomètres experts de Haute-Savoie. Le Mont-Blanc mesure donc 4810,40 m et non 4807 mètres. La révélation de ces nouvelles mensurations a été possible grâce à l’installation de deux antennes satellites supplémentaires au sommet de la montagne. A noter : le Mont-Blanc grandit malgré l’érosion. Explication d’Alain Morel, professeur de géographie physique à l’Institut de Géographie alpine de Grenoble : « Les chaînes montagneuses comme les Alpes, l’Himalaya et la cordillère des Andes sont récentes et liées au rapprochement des plaques. » Pour les Alpes « la poussée est de 2 à 3 millimètres par an. L’érosion réduit cette poussée mais le solde est positif et le massif grandit » poursuit-il. Le Mont-Blanc gagne donc officiellement 3,40 mètres, tandis que l’Everest, soumis aux mêmes vérifications, avait perdu presque deux mètres. Explication de la passion des géomètres pour ces mesures : « Redonner de l’intérêt à notre profession » déclare Pierre Bibollet. Les 2000 géomètres français emploient 10000 personnes mais ont « du mal à trouver du personnel qualifié. »

  Commentaire de Robert Vivian

 Ainsi donc la voilà la raison de cette information à sensation. Les géomètres français veulent se faire de la pub… ou de la contre-publicité, car avouons-le, l’information, telle qu’elle nous est présentée, laisse pantois.

Qu’avec leur nouveau réseau de mesure les géomètres de Haute-Savoie aient enregistré le jour de la mesure : 4810 m et 40 cm ne peut être mis en doute… mais là où le bât blesse :

  - c’est que, dans le commentaire, qui est fait de l’information brute, on ne nous dise rien sur la réalité du Mont-Blanc, sur la calotte de glace – d’au moins 30 à 40 mètres d’épaisseur – qui constitue sa partie sommitale et qui, sur le plan de sa morphologie, est en perpétuelle évolution (évolutions inter-annuelles, inter-saisonnières et même inter-journalières attestées par de nombreux témoignages de scientifiques etc.). Dès la fin du XIXe siècle, Joseph Vallot avait percé le mystère (lisez ses Annales de l’observatoire météorologique, physique et glaciaire du Mont-Blanc, vol.1, 1893.). Il est donc étonnant que les topographes savoyards aient pu, dans leur réflexion, faire l’impasse de cette donnée fort connue... Et que l’on puisse faire accroire par le truchement d’un tiers (le média + le référent universitaire) que c’est le bloc montagneux tout entier qui a subi la surrection de 3 mètres… et des poussières.

  - c’est que l’on ne s’étonne pas davantage d’être en contradiction avec d’autres spécialistes de la mesure topographique, ceux qui à la fin du XIXe siècle mesuraient 4811 mètres (en 1890), puis 4810 mètres, chiffre avancé par les Vallot jusqu’à 1907, date à laquelle ils fixèrent l’altitude du Mont-Blanc à 4807 mètres (consultez leur Réseau trigonométrique du Massif du Mont-Blanc publié à la fin de leurs travaux en 1924). Depuis, les ingénieurs topographes de l’IGN, il y a quelques années – en 1986 –, nous ont annoncé une altitude de 4808,40 mètres.

  Deux mètres de différence de niveau enregistrés sur le bloc montagneux (le rocher... pas la glace !) en 15 ans – entre 1986 et 2001 – auraient dû alerter les plus perspicaces des analystes tant l’éventualité d’une telle variation est improbable… et même complètement abherrante, nous l’avons dit ; il suffit de penser à ce que l’on fait dire à A. Morel : la poussée verticale est 2 mm par an environ : cela représente 3 cm en 15 ans , 20 cm en 100 ans ! Comparez.

  Une tentation aurait pu être aussi de penser que « les autres » (les anciens et les contemporains) aient eu tout faux dans leurs calculs !…mais à ce point !! Non, la raison est ailleurs.

  Alors, que croire ?

   L’altitude du sommet du Mont-Blanc est éminemment variable : elle oscille – sur un siècle – entre 4810 mètres et 4807 mètres. Tout cela est normal car le sommet est fait de glace et non de rocher. L’ingénieur suisse X.Imfeld qui est le seul à avoir, en 1891, effectué des investigations sur la nature et la topographie du sommet du Mont-Blanc, en a laissé témoignage : « Le sommet du Mont-Blanc, comme vous le savez, est formé d’une espèce d’arête de neige, presque horizontale et d’une longueur de 100 mètres à peu près (est-ouest). Les guides de Chamonix ont observé au sommet du Mont-Blanc une grande et profonde crevasse (de l’ordre de 80 à 100 mètres), courant du Nord au Sud et qui tranchait le sommet en deux moitiés, une de l’Est, une de l’Ouest. Il me semble donc peu probable qu’on trouvera le rocher par une galerie latérale, rocher qui n’a pas été trouvé par le tunnel (creusé à l’altitude 4796 mètres) qui dépasse aujourd’hui de quelques mètres le point culminant du sommet et qui n’a pas été observé dans ce temps-là au fond de la crevasse ». (Rapport général sur les travaux de sondage au Mont-Blanc exécutés pour le compte de Monsieur l’Ingénieur Eiffel, dans les mois d’août et septembre 1891, par X. Imfeld, ingénieur).

  Ne mélangeons donc pas les problèmes : surrection des montagnes (surtout considérée à travers la seule vision théorique du problème) et variations des altitudes du sommet du Mont-Blanc peuvent ne pas aller de pair.

  Indépendamment de la précision de la mesure et de la qualité des opérateurs, exhaussement et abaissement du point haut du Mont-Blanc sont avant tout des signaux symptomatiques des modifications de la calotte glaciaire et plus généralement de la vie des glaciers environnants, eux-mêmes témoins imparfaits on le sait, des données du climat.

  Mais au fait… ! que vient faire cet accroissement symbolique de la masse glaciaire du Mont-Blanc dans une période dite de « réchauffement global » à base d’augmentation des quantités de gaz à effet de serre ? Si vous voulez en savoir plus lisez, (ou relisez) mon article : "NE FAISONS PAS DIRE AUX GLACIERS CE QU'ILS NE DISENT PAS !".

Robert Vivian (05/06/2001)

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