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LE PAYS DE CAUX,
QUELLE HISTOUÈRE !

par

Patrick Pognant

 

À vous tous, je dois affirmer que je suis fervent régionaliste,
que je désire ardemment que toutes nos richesses soient bien à nous,
et que lorsque nous irons déposer sur l'autel de la Pensée
les œuvres écloses de nos Provinces,
nous nous ferons une gloire de graver en lettres d'or,
le nom de la ville, du village, du hameau qui nous aura vu naître.

Demongé Gaston, Aux gars de Normandie,
Fécamp, L. Durand & Fils, Impr.-Éditeurs, 1918.

 

 

Présentation

 

  Le Pays de Caux - à l'instar de nombreux autres pays de France - occupe une place de choix :

  - dans le paysage littéraire (les œuvres de Maupassant, Flaubert...) ;

  - dans le domaine architectural (richesse du patrimoine bâti...) ;

  - en géologie (la côte d'Albâtre...) ;

  - sur le plan historique (de l'ancien territoire stratégique des Calètes - ancêtres des Cauchois, ils contrôlaient l'embouchure de la Seine... - à la Seconde Guerre mondiale...) ;

  - dans le patrimoine linguistique (le dialecte cauchois - qui a fait l'objet d'un lexique établi de 1985 à 1989 par la Fédération Départementale des Foyers Ruraux, puis, sous le titre de La jeunesse d'Hormidas Lavenu
1, d'un nouveau lexique rassemblant mille et une locutions - différent du patois normand, lequel possède son propre dictionnaire, Le petit Roger 2) ;

  - dans l'économie nationale (industrie, agriculture, pêche, tourisme...).

  Malgré cette renommée et le nombre assez conséquent d'ouvrages (souvent régionaux) qu'il suscite, il est difficile pour tout chacun de trouver les contours géographiques du pays de Caux dans les livres usuels (encyclopédies, dictionnaires...). C'est pourquoi il m'a paru utile de proposer cette page sur le Web qui, je l'espère, rendra service aux internautes, lesquels pourront l'enrichir en y apportant des informations plus précises car je ne suis pas un spécialiste de la question. Et même si je suis un Rouennais et me sens tout de même un peu cauchois, ne serait-ce que par ce dialecte que j'entendais dans mon enfance, ne resté-je pas aux yeux des Cauchois un horsain ?
  Mais les Cauchois aiment qui les aiment, étranger ou pas. La preuve ? N'ont-ils pas fait leur le Père Alexandre, conteur et écrivain, dont le lecteur intéressé trouvera dans son passionnant livre posthume Le Père Alexandre racontait...
3 de très nombreux exemples de mise en situation du dialecte cauchois (toujours traduits pour les profanes).

  Enfin, en souvenir de mon enfance mais également parce qu'il est aussi difficile de dessiner les contours du pays de Bray que ceux du pays de Caux, des informations seront également données sur le pays de Bray.
  Il me souvient bien qu'enfant, à la question : "Où se trouve le pays de Bray ? ", j'entendis plusieurs fois les anciens répondre, non sans malice : "Dis-toi qu' ma fess' drêtte et ma fess' gaöch' sont l'pays de Caux, ben tu trouv'ras çu pays d'Bray au milieu !"
4.
  Nous allons voir qu'il s'agit là d'une approche caricaturale des pays de Caux et de Bray, et que la réalité géographique est assez éloignée de cette métaphore anatomique quelque peu triviale...

1 La jeunesse d'Hormidas Lavenu ou mille et une locutions, expressions et proverbes cauchois, Jean Hébert, Université rurale cauchoise, Luneray, Éditions Bertout, 1994.
2 Dictionnaire du patois normand, Le petit Roger, Roger Dubos, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, 1994.
3 Le Père Alexandre racontait... Reflet des veillées cauchoises, Luneray, Éditions Bertout, 1991.
4 Je ne garantis pas la pureté du cauchois que j'emploie,
et j'accepte volontiers les éventuelles corrections que voudront bien apporter les internautes cauchois...

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Les cartes sur les pays de Caux et de Bray

  Les recherches ont été réalisées avec les seules ressources de ma bibliothèque dont j'ai déjà donné une partie des sources. Je suis convaincu qu'il existe d'autres réponses à la problématique posée, notamment sur le Web (sur le moteur de recherche Google, la requête "Pays de Caux" donne 200 liens et annonce plus de 4000 réponses...).

 

  La carte de Géo 5 :

  La célèbre revue de géographie a proposé une carte inédite des 420 pays qui composent la France en précisant, sur la carte détachable dont nous proposons un fragment ci-dessous, qu' "à ce jour, aucun document ne délimitait les 420 pays majeurs et les quelque 1800 micropays de l'Hexagone". Et d'ajouter que "selon les sources, le nombre de pays majeurs varie. Ainsi, la Datar (Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale) en compterait environ 450. Pour le ministère de l'Environnement, il y en aurait entre 400 et 500." Cette citation a pour but avoué de préparer le lecteur aux approximations auxquelles il va devoir s'habituer s'il veut vraiment savoir à quoi ressemble la carte du pays de Caux, et corollairement, celle du pays de Bray.

  L'extrait cartographique proposé est intéressant à plusieurs égards. Outre qu'il éclaire les autres cartes en permettant de situer les pays étudiés dans une vaste portion du territoire, il est le seul élément cartographique proposé ici donnant des limites claires au pays de Bray, et permettant de voir que ce pays, en majeure partie normand, sort à l'est des limites de la Normandie pour mordre dans le Beauvaisis où il s'arrête.

  Par ailleurs, cette carte introduit la notion géographique de "Petit Caux" et celle de "Entre Bray et Picardie", ce qui discrédite l'approche d'un pays de Bray enchâssé en son ouest dans le pays de Caux. Comme nous le verrons avec la dernière carte proposée, le point faible de la carte de Géo concerne la frontière est du pays de Caux car elle laisse supposer que Rouen fait partie intégrante du pays de Caux. Enfin, Géo ne fait pas mention du Pays de Rouen (lui préférant l'appellation floue de "région rouennaise"), rencontré entre autres chez Raymond Mensire (voir infra), et dont les frontières ouest s'étendaient jusqu'à Duclair, Caudebec-en-Caux, comme son nom l'indique, faisant partie intégrante du pays de Caux.

5 Géo, n° 259, septembre 2000, carte détachable entre les pp. 70 et 71.

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En cliquant sur l'image, vous ouvrirez une nouvelle fenêtre avec la carte agrandie.
Il vous suffira de la refermer pour poursuivre la lecture de l'article
(idem pour les quatre cartes suivantes).

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  La carte du Guide Vert Michelin 6 / Pays de Caux :

  Le Pays de Caux est ainsi présenté par le Guide Vert Michelin dans son édition de 1981 (p. 80) : "Ce massif plateau de craie blanche, recouvert d'un manteau imperméable d'argile à silex et de limon, monotone mais prospère, porte de grandes cultures. Délimité par la Manche, la Basse-Seine et la vallée de la Bresle, il est surtout connu pour son imposant front de mer. Au pied de ses falaises crayeuses, dont un ciel léger et vaporeux atténue la brutalité des lignes, se retrouvent chaque année les estivants épris de beautés naturelles."
  Ainsi donc, mais il n'est pas le seul, le Guide vert donne pour frontière nord du pays de Caux la vallée de la Bresle, la Bresle étant un fleuve (72 km) séparant naturellement la Normandie de la Picardie. À tous égards, cette vision territoriale du pays de Caux semble excessive. Pour en être convaincu, il suffit d'observer la carte ci-dessous (je l'ai préférée à celle de l'édition de 1981 car elle propose les reliefs) : on se rend compte que les obstacles naturels ferment naturellement le pays de Caux au sud de Dieppe. Par ailleurs, le Guide Vert ne dit rien quant aux frontières est...

6 Guide vert Michelin, Normandie, 1968, p. 81.

 

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  La carte du Guide Vert Michelin 7 / Pays de Bray :

  La carte des reliefs proposée ci-dessous a disparu de l'édition de 1981. Le texte accompagnant l'édition de 1968 (mais c'est le même dans l'édition de 1981) est le suivant : "Nid de verdure au milieu des vastes étendues découvertes du plateau de Caux, le Pays de Bray tire son originalité d'un accident de relief particulier : la "boutonnière". Évidée ici dans la craie, elle est responsable d'un paysage dont la netteté de traits est inconnue ailleurs en Normandie".

  Le Guide Vert ne tente même pas, dans aucune des deux éditions consultées, de délimiter le pays de Bray. L'intérêt de la carte ci-dessous est de montrer cette "boutonnière" et de voir que le pays de Bray sort naturellement de la Normandie.

7 Guide vert Michelin, Normandie, 1968, p. 64.

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  Les deux cartes du pays de Caux de Raymond Mensire 8 :

  Les deux cartes proposées par Raymond Mensire semblent les plus justes ; en effet, elles sont le fruit d'un remarquable travail d'érudition historique au cours duquel l'auteur étaye ses choix et convainc le lecteur qu'ils sont les bons. Si nous avions un travail spécifique à réaliser sur le sujet, nous nous appuierions sur celles-ci.

8 Le Pays de Caux, son origine, ses limites, son histoire,
Yvetot, Éditions de l'Imprimerie commerciale d'Yvetot, 1946, pp. 4 et 11.

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En conclusion

 

  À l'heure de l'uniformisation européenne, conceptualisée sans originalité sur le modèle américain par les technocrates arrogants au seul service des lobbies financiers, et au regard des différents découpages administratifs aberrants dont souffre notre pays, il est essentiel pour les jeunes générations de ne pas oublier leurs origines et de savoir comment s'est forgée la nation française. Pour cela, la notion de pays, remise au goût du jour il y a quelques années, semble être un vecteur sur lequel peuvent s'aligner les données patrimoniales et plus généralement culturelles, offrant la possibilité aux jeunes de connaître leurs origines (originalité...) sous un angle souvent mal connu. D'où l'importance de préserver certains pans de cette culture de terroir non pas dans un but de conservatisme mais dans celui d'aborder le présent et le futur en toute connaissance de cause...

  Concernant le pays de Caux et à propos des civitas romaines, Raymond Mensire précise dans son fascicule : "Il faut bien dire que ces petites autonomies locales ne représentaient pas des états possédant constitution et administration organisées ; mais il y a tout lieu de penser que les Romains avaient aménagé leurs circonscriptions d'occupation en respectant l'unité de race et de territoire des premiers habitants et que, par conséquent la "Civitas Caletorum" correspondait à la région où vivaient les anciens Calètes.
9"

  Les éléments proposés le sont avec humilité et ne demandent qu'à être enrichis. Merci aux internautes qui auraient des informations contradictoires et ou complémentaires de bien vouloir me les communiquer.

  Nous laisserons le dernier mot à Jehan Le Povremoyne, auteur cauchois s'il en fut, à propos du cidre cauchois, un cru devenu d'une grande rareté à l'époque de l'industrie agroalimentaire :
    "Après fermentation, l'époque où les bondes sautent des barriques dans une brouée de mousse épaisse, giclera des fossets fins taillés dans les pots et les cannes de grès, le cidre splendide du pays de Caux : rouge ou jaune, sucré, piquant, un peu sur pour vous gaillardir le ventre et vous mêler au sang le sang même de la Normandie.
10"

9 Ib. p. 6.
10 Jehan Le Povremoyne, Les noces diaboliques, Sotteville-lès-Rouen, Les éditions A. Allais, 1974, p. 39.

 

  Les internautes qui souhaitent retrouver le pays de Caux dans l'oeuvre de Guy de Maupassant peuvent se connecter sur l'excellent site de Thierry Selva : http://maupassant.free.fr
 

Patrick Pognant - 26 juin 2001

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Consulter son site : www.pognant.net

 

Ceux qui s'intéressent à la langue et à la chanson normandes pourront trouver des informations intéressantes sur le site de l'association MAGENE :

Cliquer pour vous rendre sur le site de Magène

http://www.magene.com

Par ailleurs, nous préparons une bibliographie de la littérature et de la dictionnairique normandes et plus spécifiquement cauchoises que nous mettrons en ligne dans cette page, dès que possible...

P.P. (02/07/2002)

 

(c) 2001 - 2002 Patrick Pognant - www.virtedit.org

Toute reproduction (notamment les cartes) interdite à des fins commerciales

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